L’éléphant qui n’a qu’une patte

L’éléphant qui n’a qu’une patte

A dit à Ponce Pilate

Vous êtes bien heureux d’avoir deux mains,

Ça doit vous consoler d’être Consul romain.

 

Tandis que moi sans canne et sans jambe en bois

Je suis comme un héron et jamais je ne cours et jamais je ne bois

Et je ne parle pas des soins qu’il me faut prendre

Pour monter l’escalier qui conduit à ma chambre,

 

J’aimerais tant laver mes mains avec un savon rose

Avec du Palmolive avec du Cadum

Car il faut être propre et ne puis me laver

Et j’ai l’air ridicule debout sur le pavé,

 

Je n’ai pour consoler cette tristesse affreuse

Que ma trompe pareille aux tuyaux d’incendie

Et si je mets le pied dans le plat

Il y reste et l’on ne peut le manger à la sauce poulette.

 

Plaignez, Ponce Pilate, plaignez cette misère

Il n’y en a pas de plus grande sur terre

Vous êtes bien heureux de laver vos deux mains

Ça doit vous consoler d’être Consul romain.

Référence bibliographique

Robert Desnos, (1900-1945), « L’éléphant qui n’a qu’une patte », La ménagerie de Tristan, posthume.

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